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Festival Portfolio #1

In dessin on 15 octobre 2009 at 09:01

17-18-19 septembre 2009 à la Bellevilloise

Un festival d’arts graphiques tournant autour de la BD, mais pas seulement.

Le lieu, tout d’abord, se prête bien à l’évènement. Deux grands espaces et plusieurs plus petits accueillent plusieurs univers qui se mélangent plus ou moins.

Au rez-de-chaussée, au forum, les arts graphiques, une librairie, une fresque peinte en direct par un collectif de peintres et de graffeurs, des expos d’artistes, un tampographe fou, un graveur patient, un autre électrique, des tables rondes, et les concerts illustrés. Pas de ratons-laveurs. L’occasion, au milieu des tables et dans une ambiance bon enfant, d’une discussion surréaliste mais passionnante avec Kiki et Loulou Picasso (en grande forme).

La BD est installée au premier étage, dans le loft, centrée sur un grand carré de tables où s’effectuent les signatures. Autour, des illustrateurs, des fanzines, un grand tableau à colorier, des art toys (dont un, géant, peint en direct devant nous par des artistes) et des pliages astucieux. Ambiance chaleureuse, amicale, passionnée, confraternelle, et pas trop sérieuse, permettant de bons échanges entre visiteurs et exposants. Et une rencontre (enfin) pour de vrai avec des dessinateurs et des illustrateurs découverts sur les réseaux sociaux.

Dans de petites salles, des films (dont le fameux « Helvetica », de  Gary Hustwit, qui montre preuve à l’appui l’importance qu’a prise l’Helvetica dans notre vie quotidienne en cinquante ans), un concours de strips en trois cases, des lieux de lecture pour les enfants, qui sont à la fête, et au hasard des pérégrinations une halte sur la terrasse de la Bellevilloise qui accueille conversations et confidences nocturnes.

Et l’équipe d’organisation, l’association WYSIWYM, même contrariée par des soucis matériels, est disponible et accueillante.

Expo Serge Clerc

J’ai bien regretté de ne pouvoir être là dimanche pour voir Serge Clerc en chair et en os. Mais l’exposition était superbe, et elle m’a permis de comprendre grâce aux crayonnés ce qu’est réellement la ligne claire selon Serge Clerc: une maîtrise extraordinaire du trait avant tout. Comme Philippe Manœuvre, qui a été son scénariste, Serge Clerc est arrivé tout gamin dans le monde des médias. Le voir grandir sans rien renier de cette part d’enfance est magnifique. Il a réalisé l’affiche de la manifestation.

A mon grand regret, je n’ai pu voir non plus Benoit Peeters et Jean-Luc Fromental, présents également dimanche.

Expo « les 50 ans de l’Helvetica »

Avec quelques mois de retard, Portfolio célèbre les cinquante ans du caractère Helvetica créé par Max Miedinger en 1957. Moderne et classique à la fois, ce caractère est aujourd’hui omniprésent dans notre environnement. Il a conquis la signalétique des villes et des lieux publics, la publicité, des marques. C’est aujourd’hui une institution. Il participe à cette esthétique invisible qui fait le tissu de notre univers visuel.

Conférences et tables rondes

Plusieurs tables rondes ont permis de débattre sur des sujets aussi divers que l’économie des arts graphiques, les rapports entre la BD et Internet, la typographie dans tous ses états, etc. et ont réuni des débatteurs de grande qualité. J’ai manqué la discussion technique sur le retour des pop-up dans la littérature enfantine, celle sur la ligne claire, héritage ou nouveau style, celle sur l’art séquentiel dans la BD américaine, et celle, généraliste, sur la littérature jeunesse. Les conclusions en général sont assez sombres pour l’illustration, la presse classique et les arts graphiques, avec tout de même des points positifs sur la stabilité des marchés et de la commande. Elles sont plus positives pour la bande dessinée, qui vit, en partie grâce à Internet qui permet de réduire les coûts pour les fanzines et de se faire connaître à peu de frais, une époque moins difficile qu’il y a dix ans.

Après la folie des années 80 et un creux depuis vingt ans, les revues et fanzines BD explosent à nouveau, boostés par Internet et la moindre cherté des supports. Ils ont également poussé le développement de petites maisons d’édition dont le travail, très artisanal, est aussi souvent de grande qualité. Beaucoup de grands magazines BD sont morts ou moribonds; les fanzines font à leur place le travail de découverte et de promotion des talents, en liaison avec ces petites maisons. On peut d’ailleurs faire un parallèle avec la musique. L’impression sur papier de gros tirages coûte très cher; apparaissent aujourd’hui de petites séries rééditées selon les besoins. Les petites maisons indépendantes vendent sans les grands diffuseurs, qui sont hors de prix, par leurs réseaux personnels, par Internet, et sur les salons et les festivals. Internet permet aussi le dialogue entre dessinateurs, scénaristes et leur public, permettant aussi des expériences nouvelles de coopération active du public. Les communautés de lecteurs que permet la toile sont également une expérience intéressante et prometteuse. Le basculement du papier vers l’Internet ne sera jamais complet; il y a de la place et des usages pour les deux supports. Les libraires ne sont plus que rarement prescripteurs. Paradoxalement, la BD tire l’édition; il n’y a jamais eu autant de titres parus, ni autant de ventes, pour les grands éditeurs comme pour les petits, mais le contraste augmente entre les « grands auteurs », dont les revenus explosent, et les « petits », qui ont de plus en plus de mal à vendre leurs œuvres dans un contexte aussi concurrenciel.

Les illustrateurs souffrent quant à eux des difficultés grandissantes de la presse écrite et des agences de communication. Leur travail est de moins en moins utilisé par la presse, et le travail de plus en plus morcelé dans la communication et la publicité. La notoriété est éphémère, comme une mode instantanée. L’exposition et l’œuvre unique, qui se vend plutôt pas mal en galerie, permet aux illustrateurs de se faire connaître. Mais le modèle économique des galeristes et des artistes reste fragile, et permet à peu d’entre eux d’en vivre complètement. Les nouveaux outils ont trouvé leur usage, mais a contrario ils uniformisent les styles, et les jeunes illustrateurs ont plus de mal que leurs aînés à se démarquer.

La table ronde consacrée à la typographie rassemblait Jean-François Porchez, Christophe Badani, Serge Cortesi, Julien Janiszewski et Jonathan Perez. La typographie a explosé avec l’arrivée des ordinateurs. Elle a quitté en moins de vingt ans sa niche confidentielle. Elle colle de plus en plus également au travail des marques, qu’elle prolonge désormais et ne se contente plus d’accompagner.

J’ai raté aussi la conférence de Massin sur la typographie expressive, mais je l’avais vu il y a un an sur un thème plus général. Passionnant. L’entrée en métier de cet autodidacte (84 ans aujourd’hui) explique son éclectisme et sa gourmandise de la forme qui ne perd jamais de vue le fond. Il a, avec Pierre Faucheux, Jacques Darches et d’autres, inventé l’objet livre moderne, dans les années 48-55. Il est le graphiste et le metteur en pages, entre autres, de la « Cantatrice Chauve » d’Ionesco, qui est son œuvre la plus connue.

Le dimanche, des auteurs de polars sont venus raconter l’histoire d’amour entre la littérature et l’image, graphisme, BD, illustration, typographie, et aussi cinéma.

Le festival célèbre aussi le travail de beaucoup de collectifs dans divers domaines, affiches, BD, peinture, graphisme (Sofarida, le 9° Concept, Humungus, Kronik, etc.).

En épilogue, le prix jeunesse a été attribué à « Le petit Roi », de Rascal et Serge Bloch. Le prix de la meilleure bande dessinée est revenu à « Fin de chaîne », de Michel Galvin. Tous deux sont édités chez Sarbacane. Le meilleur strip, élu par le public, est celui de Romain Mocellin.

Concerts illustrés

Je n’ai vu que l’un des quatre concerts du festival. Le concept lui-même est formidable: faire dialoguer des musiciens et un dessinateur. Le concert est assez intimiste. Le groupe joue sur une estrade; le dessinateur, placé à côté de lui, est filmé par une webcam et son dessin est projeté derrière les musiciens. L’alchimie est délicate, et le jeu un peu déséquilibré. Car les musiciens sont souvent moins ouverts à l’exercice que les dessinateurs ; ils sont plus enfermés dans une bulle, pas forcément disponibles à l’écoute qu’il requiert. Excellent concert ce vendredi soir. Entre Aribo (chanson rock) et Jean-Paul Krassinsky (encres, pinceaux et marionnette), le dialogue fonctionne très bien. C’est leur deuxième performance ensemble. La complicité entre le groupe et le dessinateur est flagrante. Le seul regret est qu’il n’y a pas ce soir de projection derrière le public, qui permettait dans une précédente édition aux musiciens de voir directement le travail du dessinateur, et donc leur donnait du répondant.

>> Prochain concert illustré le 18 octobre à 18 heures, toujours à la Bellevilloise, avec Kim et Hervé Bourhis.

Et on attend avec impatience septembre 2010 pour un Portfolio #2!

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