Avec François-Régis Gaudry, Elvira Masson et leurs invités Marie de Metz-Noblat, Bruno Colin et Cyril Leclerc, on a dégusté au Livre sur la Place à Nancy.
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A table!
In dessin on 11 septembre 2016 at 10:07Université d’été du Medef, à la plénière
In dessin on 28 août 2015 at 17:31
Retour sous la tente, ce deuxième jour, où « ils » essaient de se rendre invisibles.
C’est qu’il y a du beau monde, et là, le ministre britannique des réformes, le libéral Matthew Hancock.
Et hop, une petite pique à Paris et à la France (il y aura aussi l’incapacité des Français à comprendre le cricket, et la réforme nécessaire des institutions françaises, leitmotiv de l’après-midi).
Vincent Pons, entrepreneur, a eu l’idée de créer en arrivant à Boston deux mois avant les présidentielles américaines de 2008, en pleine campagne de Barack Obama.
Dehors, il pleut des hallebardes, et pourtant ce n’est pas le Président Hollande que l’on attend.
Patrick Pouyanné, patron de Total, sur la réforme du pays.
Le turc Ahmet Bozer, patron de Coca-Cola, loue les jeunes.
Le Dr Suri, patronne des hôtels Bhârat et patronne des patrons en Inde, donne la mesure des enjeux en Inde.
Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, arrive presque en rock star, et il ressemble vraiment à Boris Vian.
Patrick Pouyanné reprend son discours et redéfinit sa vision de l’égalité.
Pour Pouyanné, Total anticipe et investit maintenant aussi dans les énergies renouvelables.
Lionel Zinsou, premier Ministre du Bénin, recadre sur les valeurs de l’impôt pour le bien public…
… et donne les vertigineux chiffres du chômage pour l’ensemble de l’Afrique, avant de lier ces chiffres (et l’inactivité) à la montée de l’intégrisme religieux.
J’ai tiré quelques phrases en verbatim du discours d’Emmanuel Macron.
(J’ai du mal à suivre, ça doit être normal).
Retour d’Emmanuel Macron sur les déclarations remarquées l’an dernier de Manuel Valls et de Michel Sapin.
Un grand merci à Nicolas Stoop pour l’invitation, et à Marion L’Hour dont le live-tweet rigoureux m’a été très précieux.
Université d’été du Medef, 2e jour
In dessin on 27 août 2015 at 20:17
Ouverture avec le débat sur la science, où trônent les frères Bogdanoff.
D’ailleurs, comment reconnaître Igor de Grichka? Facile.
Axelle Lemaire ministre de l’économie numérique va au conseil des ministres avec la banane.
Le docteur Patrizia Tamerlini Brechot traite l’origine des métastases des tumeurs cancéreuses.
Suite de l’article demain, avec un retour sur Twitter, un intéressant debat sur la jeunesse, et le discours final d’Emmanuel Macron.
Université d’été du Medef, atelier Twitter
In dessin on 26 août 2015 at 17:06
Crâne d’oeuf, c’est quand on n’a pas encore mis de photo pour personnaliser son profil. Ca vous classe d’emblée débutant.
Sur Twitter, on peut parler efficacement de son entreprise.
Sur Twitter, on atteint directement le haut de la hiérarchie.
On suit les gens qui nous intéressent.
La conférence Twitter est à la même heure que le discours de la reine Rania de Jordanie.
Twitter devient une source de l’info et est relayé par des JT.
Et sur Twitter, personne ne sait que vous êtes un chien (ou un lolcat).
“Douze mains de Miles Davis et sa trompette”, Irving Penn (1986)
In dessin on 22 janvier 2010 at 09:47Emue presque aux larmes par cette planche mythique, « douze mains de Miles Davis et sa trompette », par Irving Penn.
La sobriété et la perfection de la prise de vue en noir et blanc, la composition, graphique, architecturée, ultra-classique et très élégante, s’opposent aux petits détails émouvants du tirage, deux accidents touchants, deux photos tirées ensemble et non séparées, un bain probablement différent des autres, un décalage assumé, les plots d’attache du papier qui provenait sans aucun doute d’un bloc, tout ceci concourt à faire de cette planche bien plus que la planche parfaite.
A la galerie Thierry Marlat, impasse de la Poissonnerie (rue Jarente), où j’ai été l’une des dernières, le dernier jour, à voir cette très belle exposition.
Massin
In dessin on 29 octobre 2009 at 00:49Conférence de Massin à l’ENACT le 22 septembre 2008, présentée par André Markiewicz (Médiathèque de Nancy).
(Introduction par André Markiewicz)
Cette conférence fait suite à l’exposition de l’été 2008 à la Médiathèque de Nancy (qui est prolongée d’un mois) et à la présence de Massin au Livre sur la Place. Les rendez-vous de Massin avec Nancy sont rares; plusieurs ont été annulés au cours des années précédentes pour des raisons de santé. Massin, à 82 ans 3/4, continue de courir le monde. Entre un congrès à Chicago et une conférence à Saint Petersbourg, il a choisi de venir à Nancy. Il a au moins sept vies: graphiste, écrivain, affichiste, mélomane, journaliste, directeur artistique, acteur, etc. Sa carrière de graphiste a trois temps: les débuts (« La lettre et l’image »), Gallimard à partir des années 60, et après, où il travaille aussi avec d’autres éditeurs comme directeur artistique et fait de la typographie expressive.
(Conférence)
Massin est né en 1925 en Beauce, à Illiers-Combray, village de 80 habitants décrit par Proust. Son père était graveur et le fait débuter à 4 ans 1/2, c’est-à-dire avant de savoir lire, ce qui a certainement eu des conséquence sur sa lecture de la lettre et son appréhension des verticales et des horizontales (à cause des contraintes techniques de la gravure sur pierre), ainsi que sur sa mémorisation de la forme. Son premier travail de graphiste est d’ailleurs un abécédaire. Sa grand-mère maternelle tenait un café-épicerie-mercerie dans un village proche, et enfant il était fasciné par les étiquettes des liqueurs et les cartes publicitaires qu’il pouvait y trouver. A Illiers-Combray, la RN 10 (sic) sépare les collines du Perche de la plaine de la Beauce, décor qu’enfant il a toujours eu à l’oeil. Dans le café de sa grand-mère, les joueurs de cartes ressemblaient à ceux du tableau de Cézanne. Il a toujours été un grand amateur de radio, surtout le Tour de France. Après avoir été pensionnaire, il entre au lycée de Chartres, où il monte un groupe de swing (un hot club), dont il dessine le logo. Grand amateur de Django Reinhart, il joue de la contrebasse (mais il se dit fâché avec la clef d’ut) et en même temps appartient à l’harmonie Saint Ferdinand, orchestre bourgeois de droite, ce qui est en principe incompatible. En 1944, il monte à Paris. Il est quelques temps secrétaire de Tristan Bernard, déjà âgé, pour lequel il se contente de porter des gâteaux de la boulangerie et de l’argent à la banque. Tristan Bernard est abonné à des revues américaines, dont Massin découvre alors les qualités artistiques (Show, Esquire, etc.) et qui lui donnent des idées. Les publicités en particulier sont très belles, alors que les publicités françaises de l’époque sont très pauvres graphiquement; les Américains font une large utilisation de la double page, ce qui est alors impensable en France. A cette époque, il joue comme figurant au cinéma auprès de Raimu et de Fernandel. Il est également journaliste pigiste, fait la première interview de Céline après la guerre, et couvre les fiançailles d’Elisabeth d’Angleterre. Il voyage beaucoup pendant deux ans.
En 1948, il entre au Club Français du Livre comme rédacteur, et découvre le travail du graphiste Pierre Faucheux, lui aussi ancien journaliste, sur les couvertures des livres édités par le Club. C’est une révélation pour lui. Pierre Faucheux pose des photos à cheval sur les reliures, des dessins sur toute la couverture, et ne se contente pas de la face du livre. En décembre 1949, Massin propose sa première maquette au Club, pour un livre de Rimbaud.
A la fin des années 40 et au début des années 50, le livre est considéré comme une brique à peine à décorer; c’est ce que lui dit un relieur. Le rapport entre extérieur et intérieur du livre n’est pas traité. Pierre Faucheux innove. Pour Alice au Pays des Merveilles, il fait littéralement entrer Alice dans le livre. Ni Pierre Faucheux ni Massin ne dessinent. Ils utilisent une abondante iconographie d’époque, des illustrations, des gravures, et la photographie. Le papier est encore très cher; on imprime sur toutes sortes de matériaux de récupération, comme les papiers intercalaires des caisses de munition, ou les emballages alimentaire, le papier de boucher, des tissus déclassés. L’écriture de Baudelaire devient un dessin de couverture. Pour la couverture de Paroles, de Jacques Prévert, Pierre Faucheux utilise des caractères de caisses d’emballage. La créativité de l’époque du Club Français du Livre a disparu sous la quantité, qui a fait baisser la qualité. La révolution de l’après guerre vient de l’explosion de la librairie parisienne, qui ont fait exister les clubs face à une pléthore de libraires inexpérimentés et incompétents.
Un autre graphiste du Club Français du Livre, Jacques Darches, ami très proche de Massin, mort accidentellement en 1964, est l’auteur des Enfants terribles de Cocteau et de Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald. Jacques Darches joue beaucoup avec la trame qu’il agrandit à sa convenance; il est à l’origine des jeux de trame encore très utilisés aujourd’hui. Il l’utilise pour la première fois pour la couverture de la 25è Heure du Roumain Virgil Gheorgiu, avec une grosse trame macro-photographiée et fortement agrandie. Il utilise aussi les entrées/sorties de la couverture, faisant entrer en première un personnage dans le livre et l’en faisant sortir en quatrième. Jacques Darches a aussi largement contribué au lancement de Pierre Soulages, qu’il a connu à Sète.
Le petit-fils du peintre Camille Pissarro, Claude Bonin-Pissarro, et Janine Fricker, peintres eux aussi, sont ses collègues au Club du Meilleur Livre qu’il rejoint en 1952, club auquel appartient aussi comme libraire son ami Roger Mossovic, libraire à Nancy rue Héré jusque dans les années 80 (présent dans la salle). Les trois graphistes utilisent des peintures, et des acétates transparents imprimés pour les jaquettes. Massin est conseiller artistique. Il crée la couverture de l’Or, de son ami Blaise Cendrars, qui est une copie d’une affiche officielle de 1848 (« les fêtes de la Concorde sont repoussées en raison des circonstances » datée du 21 mai 1848), avec des caractères du XIXè siècle, des vignettes anciennes et des couleurs vives. C’est, selon lui, sa meilleure création. Il fait aussi Croc-Blanc de Jack London avec des pas de loup blancs sur la couverture de couleur. Pour la maquette des Copains de Jules Romains, il réalise une très belle couverture avec les sous-préfectures d’Ambert et Issoire, lieux et véritables personnages du récit, sur des cartes routières qui sont découpées en forme des pupilles d’yeux rouges sur un fond noir. Les pages de titres sont étirées, avec des gravures d’un normalien du XIXè siècle en uniforme qui se multiplie au fil des pages. Massin fait tant de couvertures au Club du Meilleur Livre qu’il doit utiliser des pseudonymes pour cacher son intense activité. Son travail porte à la fois sur la couverture, la jaquette, les pages de garde et de titre, et l’utilisation double de la totalité de la couverture et du dos.
Pour Alcools de Guillaume Apollinaire, Massin joue sur deux plans entre la couverture et une jaquette en rhodoïd pour donner une impression de vertige. Pour Jean Barois de Roger Martin du Gard, il utilise la typographie du J’accuse d’Emile Zola dans l’Aurore. Pour l’Espoir d’André Malraux, il choisit pour illustration Guernica de Pablo Picasso, sur une jaquette en rhodoïd. Pour Olimpio d’André Maurois, il choisit de vieux caractères, des vignettes et des culs-de-lampe des années quarante et cinquante. Il varie les couvertures en utilisant l’iconographie, des documents authentiques, des impressions sur soie, toile de sac, velours, bois, papiers spéciaux, et en tirant le meilleur parti de ces décors. Pour la Vallée Heureuse de Jules Roy, qui se passe dans la Ruhr pendant la guerre, il reprend tel quel un plan de guerre des lieux mêmes du récit recueilli directement auprès du général Galois. Le but est de surprendre les adhérents des clubs grâce au travail des différents graphistes. Le travail porte également en doubles pages sur les pages de titre à l’intérieur du livre. La page écran, cinématographique, date du début du XXè siècle; elle était inimaginable avant l’ère du cinéma, où seul le colophon en fin de volume permettait un peu de fantaisie depuis le XVIIè siècle. La page de titre est une révolution. Depuis son invention, le cinéma a toujours eu une grande influence sur les graphistes, et particulièrement au début des années 50. Le travail des graphistes dans ces clubs n’a pas d’équivalent aujourd’hui. On utilisait des caractères différents, démodés, remis au goût du jour par l’inventivité de la composition, qui revivaient parfois sur plusieurs pages comme le générique d’un film. Jacques Darches utilise un jour jusqu’à trente doubles pages pour un seul titre. Jacques Darches maquette le Bal du Comte d’Orgel de Raymond Radiguet illustré d’un dessin de Jean Cocteau. Ce travail a sa prolongation chez Massin avec les Copains de Jules Romains et ses normaliens démultipliés. Jacques Darches fait aussi la Vie Secrète de Salvador Dali, le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson de Selma Lagerlöf. Massin réplique avec des pages de titre dépliantes, le Passe-Murailles de Marcel Aymé où la tête sans corps apparaît à travers un trou découpé dans la couverture. Dans le même temps, Pierre Faucheux fait les Chants de Maldoror de Lautréamont, avec le mot Maldoror écrit une lettre par page en pages de titre, pour le Club des Libraires de France, auquel appartient aussi Roger Mossovic. La page de garde, qui maintient la reliure au livre par collage, est même imprimée, ce qui n’était jamais le cas auparavant, en utilisant souvent deux couleurs, et souvent pour Massin le bleu et le rouge (à cause du mot rubrique), ou du blanc en réserve sur un fond d’une couleur forte ou un dégradé de couleurs. Massin fait aussi Colorado de Louis Bromfield avec des portes de saloon qui se déplient, en papier sur un fond arc-en-ciel. Les matériaux et les papiers utilisés sont très divers. Au Club du Meilleur Livre, il réalise aussi des livres-objets, avec des objets collés sur les couvertures, des reproductions de médailles, des cartes de visite, des miroirs, des coeurs en peluche, etc. Les livres-objets reviennent à la mode dans les années 80, dans un but plus nettement mercantile sous des prétextes publicitaires (pour le restaurant la Coupole, en particulier, où il a l’habitude de dîner avec ses amis César et Giacometti). Hachette avait un accord d’édition et de distribution avec le Club du Meilleur Livre, ce qui n’était connu de personne, pas même des membres et des libraires du club, comme Roger Mossovic. Au bout de dix ans, la créativité s’épuise, et les clubs disparaissent ou au moins se ralentissent en 1957-58. Massin entre alors pour vingt ans chez Gallimard, tout d’abord pour la collection Soleil, puis Folio et enfin l’Imaginaire.
La collection Soleil de Gallimard est exactement l’anti-club; c’est par une création très différente des précédentes qu’il entre chez Gallimard. Dans la collection Soleil, les reliures sont de couleurs, en tissu; les couvertures identiques pour tous les titres, avec un cadre; la typographie est discrète et élégante, espacée comme au XVIIIè siècle. La collection dure vingt ans. Elle accueille des auteurs célèbres issus de la fameuse collection blanche et sert d’antichambre à la Pléiade. Mais Massin fait aussi des jaquettes illustrées. Il crée en 1961 une maquette pour l’intégrale d’Arsène Lupin sur laquelle les illustrations couvrent toute la collection serrée, en utilisant le matériel graphique de l’édition originale. Le relieur a eu beaucoup de difficulté à caler les dos. En 1972, Massin réalise dans le même esprit Malevil de Robert Merle.
La même année, Massin lance la collection Folio, avec un principe graphique très simple et innovant en opposition totale au Livre de Poche d’Hachette où l’illustration de couverture occupe toute la couverture et où la typographie fait volontairement fouillis. Pour Folio, Massin joue un fond blanc sur lequel se détache l’illustration, mise en scène dans l’espace blanc; il utilise un caractère unique, le très classique Baskerville. Le fond blanc pour une édition bon marché était impossible auparavant, à cause des traces de doigts sur la couverture qui rendent le livre marqué invendable; le laquage permet désormais d’éviter cet inconvénient. L’impression en noir seul sur fond blanc est également un monopole d’Etat en France, et il est interdit d’utiliser ce procédé, ce qui pose problème lorsque l’illustration retenue est en noir et blanc. La couverture d’un livre doit être vue « en courant »; elle doit être aussi efficace qu’une affiche. Il faut éviter le composite, provoquer un choc. André Gallimard au tout début n’y croit pas et pense que « cela ne se vendra pas ». Le succès lui fait rapidement un démenti. Massin fait travailler des illustrateurs fameux venus d’horizons divers, et en particulier de Play Boy, de Lui et d’Okapi, pour plus de 1100 couvertures en 7 ans. Siné illustre pour Folio le Lionceau du Tchèque Josef Skvorecky et la Cerise d’Alphonse Boudard. Blachon illustre l’Europe Buissonnière d’Antoine Blondin. Alain Le Foll, illustrateur de livres pour enfants, illustre A Rebours de Joris Karl Huysmans, qui a failli être refusé car il évoque un sexe féminin et le scandale du tableau l’Origine du Monde de Gustave Courbet. Une vignette agrandie de Félix Vallotton en noir et blanc, autre scandale, illustre Paludes d’André Gide. Le logotype, comme plus tard dans la collection l’Imaginaire, joue le rôle de continuo de la composition, comme en musique. Les contraintes financières de Gallimard portent sur le tirage, qui doit être d’au moins 12000 exemplaires, car tirer ainsi en quadrichromie des illustrations d’artistes coûte cher.
Massin crée ensuite avec André Gallimard une nouvelle collection, l’Imaginaire. Le principe graphique est très différent. La couverture est toujours blanche, mais il n’y a aucune illustration; les caractères sont les plus fantaisistes possible; le principe typographique est celui de la variation musicale, où le continuo du logotype joue le rôle d’invariant. Massin commence toujours par le nom de l’auteur sur des calques, puis développe le principe. Il juge cette collection comme probablement la plus importante de sa carrière.
Massin a également créé des pochettes de disques. Ses premières créations sont pour des livres parlés, car il est tout de même devenu graphiste à partir des mots. Journaliste à ses débuts, il est devenu graphiste grâce à Pierre Faucheux. Au Club des Disquaires, il peut travailler sur des grands formats, des typographies contemporaines; faire du beau, du rare et du cher. Il a réalisé une vingtaine de fois au cours de sa carrière des pochettes avec des visages de musiciens ou d’auteurs à taille humaine. Mais il n’aime pas beaucoup les éditions de luxe, car elles sont conservées sans être lues. Il travaille toutefois sur quelques éditions de ce type, comme un livre érotique japonais, présenté dans une boîte traditionnelle en soie violette fermée par des tiges d’ivoire, ou les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire illustré par Léonor Fini. Plus innovante est sa création pour Mille Milliards de Poèmes de Raymond Queneau en 1961, dont il réalise le découpage en bandelettes à partir de dix rondeaux de quatorze vers chacun. Les combinaisons multiples de lecture sont quasiment infinies et demanderaient plus de cent mille ans pour être lues dans leur totalité. Sa réalisation a demandé un énorme travail d’expertise en découpage des papiers. Pour Exercices de Styles, du même Raymond Queneau, en 1963, qui raconte de 99 manières la même histoire banale, Gallimard sort une seconde édition avec 45 variations illustratives, « exercices de styles peints, dessinés ou sculptés », de Jacques Carelman, et Massin réalise 99 « exercices de styles typographiques » et la couverture. Le tirage de tête est enveloppé dans un veston à carreaux qui évoque un détail de l’histoire.
L’étape suivante du travail de Massin est la typographie expressive. En 1964, Massin est amené à travailler sur la Cantatrice Chauve, d’Eugène Ionesco, pour une réédition du texte. Le livre, aujourd’hui épuisé, sera réédité par Gallimard en 2009 dans une édition peu chère, avec un tirage supérieur aux éditions précédentes. La pièce, qui a été créée en 1950 au théâtre des Noctambules devant une salle presque vide, est depuis devenue un succès et se joue sans discontinuer depuis au théâtre de la Huchette. Elle a été traduite et jouée dans toutes les langues, y compris le bengali et le bantou. Massin montre à Ionesco, qu’il ne connaît pas encore, sa maquette dans un café proche du théâtre, presque en catimini. Ionesco laisse carte blanche à Massin et Gallimard; sa seule demande est que la lisibilité du texte soit parfaite. Le livre fini fait 192 pages. Massin travaille avec un photographe abstrait remarquable, Henri Cohen, qui utilise là des effets de seuil au tirage pour éliminer progressivement les demi-teintes. Les photos, assez banales au départ, sont re-photographiées et re-tirées plusieurs fois. Les typographies, imprimées et tirées une première fois en petit format, sont elles aussi re-photographiées, agrandies plusieurs fois, et multipliées, pour donner l’effet de complet délire de la fin de la pièce, où les mots disparaissent derrière le tempo de la phrase. La maquette du livre est une transposition de la mise en scène de la pièce; la typographie utilise les effets de zoom, et marque les effets d’éclairage (par exemple, la typographie est en réserve sur fond noir lorsque la salle s’éteint). Cette édition n’est traduite qu’en anglais, avec trois maquettes différentes pour les éditions française, américaine et anglaise.
Pour Délire à Deux, toujours d’Ionesco, en 1966, qui se passe dans une ville en guerre, des taches figurent le bruit des explosions et la voix en restituant les intonations par les inflexions et les déformations de la typographie. Chacun des deux personnage a son propre caractère, y compris typographique. La Conversation-Sinfonietta de Jean Tardieu est un poème en musique à six personnages composé avec six caractères différents qui représentent chacun le caractère d’un personnage.
Massin réalise également en 1965 pour une édition américaine une création sur six pages à partir de la Foule d’Edith Piaf, qui a un tempo de valse sud-américaine (coimbrà). Là aussi les inflexions de la typographie suivent celles de la voix très expressive de Piaf, en collant au plus près à ses intonations. Les caractères sont déformés; pour cela, Massin a essayé des impressions sur divers matériaux élastiques étirés, comme, successivement, des alèses pour bébé, des ballons de baudruche de fête foraine, et enfin des préservatifs. Les premiers utilisés sont trop fins, et le lubrifiant, gras, fait que le papier refuse l’encre. Massin doit commander à un pharmacien voisin, qui n’en revient pas et le prend pour un fou, des quantités importantes de préservatifs plus épais, talqués et surtout non lubrifiés, qui ne lui sont habituellement plus demandés. Les caractères ainsi déformés sont ensuite traités en photogravure et imprimés en réserve sur un papier bleu nuit ou noir.
Pour les Mariés de la Tour Eiffel, de Jean Cocteau, en 1966, Massin utilise plus de cent caractères différents. Le livre ne s’est pas fait chez Gallimard, car il est trop cher à fabriquer. C’est Hoëbeke, ami de Massin, qui l’édite. Cinq des musiciens du Groupe des Six ont travaillé à la partition, en 1921. Pour mettre en relief le fouillis de phrases imbriquées du texte surréaliste et la musique atonale, le livre est entièrement imprimé sur des pages de couleurs, 22 couleurs différentes de pages au total. La typographie est faite au Letraset, photocomposée, puis retravaillée à l’informatique sur la nouvelle édition. Les 240 pages ont été composées en douze jours. 1966 est pour Massin une année de très grande créativité.
Pour les Djinns de Victor Hugo, Massin utilise la typographie déjà expressive de Victor Hugo et la recompose dans un fond aux tons violets. La Tempête de Shakespeare, en anglais, n’est composée qu’en doubles pages, avec des illustrations gravées. Pour le Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg, première pièce atonale jamais composée, en rupture avec la gamme des sept tons, le travail de composition du livre s’étend sur quarante ans, de 1966 à 2006. Il en existe six versions différentes, dont la dernière sert de base à la version gravée et de concert de Pierre Boulez. Le caractère choisi est le Mistral. Chaque note a sa couleur, du jaune clair, la plus aigüe, au rouge pourpre, la plus grave. La pièce a été créée en 1912 par une soprano colorature capable de couvrir les deux octaves de la partition. La dernière version du livre reprend l’écriture manuelle d’un agenda en allemand.
Aujourd’hui, Massin ne fait plus que de la typographie expressive. Le concept lui-même a été inventé par l’Américain Goldchak (?) dans les années 30. La « Typographie expressive » est aujourd’hui une association loi de 1901 qui édite quelques ouvrages très chers que les éditeurs traditionnels n’éditeraient pas. Le Pierrot Lunaire, par exemple, est vendu sans distributeur ni intermédiaire par « la Typographie expressive », au prix de 90 euros.
A lire aussi:
http://www.evasion.cc/blog/comments/massin-graphiste/
http://paris.blog.lemonde.fr/paris/2006/03/massin_la_canta.html
http://www.exporevue.com/magazine/fr/revuepresse02.html
http://index.grafik.free.fr/?p=988
Exposition Soulages à Beaubourg
In dessin on 24 octobre 2009 at 13:54Déçue parfois par ce que je n’en voyais qu’en reproductions, j’hésitais. Je n’ai pas eu à le regretter. Ce n’est pas souvent qu’un peintre m’impressionne autant par les qualités de perception qu’il projette dans son oeuvre. Son travail met en valeur la nature vibratoire et vivante de la lumière.
Des premiers jeux des premiers tableaux, où le noir n’est que l’une des couleurs, à la constante absolue que le travail sur le noir seul propose, la progression est lente et bien mise en scène par l’exposition.
Les volumes, les textures, les matières, les rapports du noir au blanc et inversement, les rapports aussi du noir au noir et inversement, tout est objet à réflexion. Il faut voir chaque tableau sous tous les angles, parfois l’aborder par la tranche, tourner autour de lui lentement pour pénétrer dans la peinture elle-même, son épaisseur, sa profondeur. A l’OutreNoir, même, fermer les yeux pour comparer à son propre noir intérieur.
Le travail de Soulages tourne aussi autour de l’orientation de la lumière, sur le mat et la brillance, sur la façon qu’a la lumière de se poser sur chaque accident du tableau. C’est la lumière elle-même qui, glissant sur le tableau, devient vivante et expressive.
Chez Soulages, le noir est comme un bourdon qui permet de libérer une mélodie subtile.
Au bout de l’exposition, avant de revenir sur ses pas, la vue sur Paris, depuis le 6ème étage de Beaubourg, sous un soleil radieux, en est d’autant plus éclatante.
> Jusqu’au 8 mars 2010
Festival Portfolio #1
In dessin on 15 octobre 2009 at 09:0117-18-19 septembre 2009 à la Bellevilloise
Un festival d’arts graphiques tournant autour de la BD, mais pas seulement.
Le lieu, tout d’abord, se prête bien à l’évènement. Deux grands espaces et plusieurs plus petits accueillent plusieurs univers qui se mélangent plus ou moins.
Au rez-de-chaussée, au forum, les arts graphiques, une librairie, une fresque peinte en direct par un collectif de peintres et de graffeurs, des expos d’artistes, un tampographe fou, un graveur patient, un autre électrique, des tables rondes, et les concerts illustrés. Pas de ratons-laveurs. L’occasion, au milieu des tables et dans une ambiance bon enfant, d’une discussion surréaliste mais passionnante avec Kiki et Loulou Picasso (en grande forme).
La BD est installée au premier étage, dans le loft, centrée sur un grand carré de tables où s’effectuent les signatures. Autour, des illustrateurs, des fanzines, un grand tableau à colorier, des art toys (dont un, géant, peint en direct devant nous par des artistes) et des pliages astucieux. Ambiance chaleureuse, amicale, passionnée, confraternelle, et pas trop sérieuse, permettant de bons échanges entre visiteurs et exposants. Et une rencontre (enfin) pour de vrai avec des dessinateurs et des illustrateurs découverts sur les réseaux sociaux.
Dans de petites salles, des films (dont le fameux « Helvetica », de Gary Hustwit, qui montre preuve à l’appui l’importance qu’a prise l’Helvetica dans notre vie quotidienne en cinquante ans), un concours de strips en trois cases, des lieux de lecture pour les enfants, qui sont à la fête, et au hasard des pérégrinations une halte sur la terrasse de la Bellevilloise qui accueille conversations et confidences nocturnes.
Et l’équipe d’organisation, l’association WYSIWYM, même contrariée par des soucis matériels, est disponible et accueillante.
Expo Serge Clerc
J’ai bien regretté de ne pouvoir être là dimanche pour voir Serge Clerc en chair et en os. Mais l’exposition était superbe, et elle m’a permis de comprendre grâce aux crayonnés ce qu’est réellement la ligne claire selon Serge Clerc: une maîtrise extraordinaire du trait avant tout. Comme Philippe Manœuvre, qui a été son scénariste, Serge Clerc est arrivé tout gamin dans le monde des médias. Le voir grandir sans rien renier de cette part d’enfance est magnifique. Il a réalisé l’affiche de la manifestation.
A mon grand regret, je n’ai pu voir non plus Benoit Peeters et Jean-Luc Fromental, présents également dimanche.
Expo « les 50 ans de l’Helvetica »
Avec quelques mois de retard, Portfolio célèbre les cinquante ans du caractère Helvetica créé par Max Miedinger en 1957. Moderne et classique à la fois, ce caractère est aujourd’hui omniprésent dans notre environnement. Il a conquis la signalétique des villes et des lieux publics, la publicité, des marques. C’est aujourd’hui une institution. Il participe à cette esthétique invisible qui fait le tissu de notre univers visuel.
Conférences et tables rondes
Plusieurs tables rondes ont permis de débattre sur des sujets aussi divers que l’économie des arts graphiques, les rapports entre la BD et Internet, la typographie dans tous ses états, etc. et ont réuni des débatteurs de grande qualité. J’ai manqué la discussion technique sur le retour des pop-up dans la littérature enfantine, celle sur la ligne claire, héritage ou nouveau style, celle sur l’art séquentiel dans la BD américaine, et celle, généraliste, sur la littérature jeunesse. Les conclusions en général sont assez sombres pour l’illustration, la presse classique et les arts graphiques, avec tout de même des points positifs sur la stabilité des marchés et de la commande. Elles sont plus positives pour la bande dessinée, qui vit, en partie grâce à Internet qui permet de réduire les coûts pour les fanzines et de se faire connaître à peu de frais, une époque moins difficile qu’il y a dix ans.
Après la folie des années 80 et un creux depuis vingt ans, les revues et fanzines BD explosent à nouveau, boostés par Internet et la moindre cherté des supports. Ils ont également poussé le développement de petites maisons d’édition dont le travail, très artisanal, est aussi souvent de grande qualité. Beaucoup de grands magazines BD sont morts ou moribonds; les fanzines font à leur place le travail de découverte et de promotion des talents, en liaison avec ces petites maisons. On peut d’ailleurs faire un parallèle avec la musique. L’impression sur papier de gros tirages coûte très cher; apparaissent aujourd’hui de petites séries rééditées selon les besoins. Les petites maisons indépendantes vendent sans les grands diffuseurs, qui sont hors de prix, par leurs réseaux personnels, par Internet, et sur les salons et les festivals. Internet permet aussi le dialogue entre dessinateurs, scénaristes et leur public, permettant aussi des expériences nouvelles de coopération active du public. Les communautés de lecteurs que permet la toile sont également une expérience intéressante et prometteuse. Le basculement du papier vers l’Internet ne sera jamais complet; il y a de la place et des usages pour les deux supports. Les libraires ne sont plus que rarement prescripteurs. Paradoxalement, la BD tire l’édition; il n’y a jamais eu autant de titres parus, ni autant de ventes, pour les grands éditeurs comme pour les petits, mais le contraste augmente entre les « grands auteurs », dont les revenus explosent, et les « petits », qui ont de plus en plus de mal à vendre leurs œuvres dans un contexte aussi concurrenciel.
Les illustrateurs souffrent quant à eux des difficultés grandissantes de la presse écrite et des agences de communication. Leur travail est de moins en moins utilisé par la presse, et le travail de plus en plus morcelé dans la communication et la publicité. La notoriété est éphémère, comme une mode instantanée. L’exposition et l’œuvre unique, qui se vend plutôt pas mal en galerie, permet aux illustrateurs de se faire connaître. Mais le modèle économique des galeristes et des artistes reste fragile, et permet à peu d’entre eux d’en vivre complètement. Les nouveaux outils ont trouvé leur usage, mais a contrario ils uniformisent les styles, et les jeunes illustrateurs ont plus de mal que leurs aînés à se démarquer.
La table ronde consacrée à la typographie rassemblait Jean-François Porchez, Christophe Badani, Serge Cortesi, Julien Janiszewski et Jonathan Perez. La typographie a explosé avec l’arrivée des ordinateurs. Elle a quitté en moins de vingt ans sa niche confidentielle. Elle colle de plus en plus également au travail des marques, qu’elle prolonge désormais et ne se contente plus d’accompagner.
J’ai raté aussi la conférence de Massin sur la typographie expressive, mais je l’avais vu il y a un an sur un thème plus général. Passionnant. L’entrée en métier de cet autodidacte (84 ans aujourd’hui) explique son éclectisme et sa gourmandise de la forme qui ne perd jamais de vue le fond. Il a, avec Pierre Faucheux, Jacques Darches et d’autres, inventé l’objet livre moderne, dans les années 48-55. Il est le graphiste et le metteur en pages, entre autres, de la « Cantatrice Chauve » d’Ionesco, qui est son œuvre la plus connue.
Le dimanche, des auteurs de polars sont venus raconter l’histoire d’amour entre la littérature et l’image, graphisme, BD, illustration, typographie, et aussi cinéma.
Le festival célèbre aussi le travail de beaucoup de collectifs dans divers domaines, affiches, BD, peinture, graphisme (Sofarida, le 9° Concept, Humungus, Kronik, etc.).
En épilogue, le prix jeunesse a été attribué à « Le petit Roi », de Rascal et Serge Bloch. Le prix de la meilleure bande dessinée est revenu à « Fin de chaîne », de Michel Galvin. Tous deux sont édités chez Sarbacane. Le meilleur strip, élu par le public, est celui de Romain Mocellin.
Concerts illustrés
Je n’ai vu que l’un des quatre concerts du festival. Le concept lui-même est formidable: faire dialoguer des musiciens et un dessinateur. Le concert est assez intimiste. Le groupe joue sur une estrade; le dessinateur, placé à côté de lui, est filmé par une webcam et son dessin est projeté derrière les musiciens. L’alchimie est délicate, et le jeu un peu déséquilibré. Car les musiciens sont souvent moins ouverts à l’exercice que les dessinateurs ; ils sont plus enfermés dans une bulle, pas forcément disponibles à l’écoute qu’il requiert. Excellent concert ce vendredi soir. Entre Aribo (chanson rock) et Jean-Paul Krassinsky (encres, pinceaux et marionnette), le dialogue fonctionne très bien. C’est leur deuxième performance ensemble. La complicité entre le groupe et le dessinateur est flagrante. Le seul regret est qu’il n’y a pas ce soir de projection derrière le public, qui permettait dans une précédente édition aux musiciens de voir directement le travail du dessinateur, et donc leur donnait du répondant.
>> Prochain concert illustré le 18 octobre à 18 heures, toujours à la Bellevilloise, avec Kim et Hervé Bourhis.
Et on attend avec impatience septembre 2010 pour un Portfolio #2!